Il faudra bien que l’on tire un jour prochain et le plus tôt possible, des enseignements, – et des décisions-, à la lueur de ce que l’on découvre, semaine après semaine, dans les étages de la télévision publique. S’exprimant ce matin devant son Comité Exécutif, Rémy Pflimlin n’a pas semblé plus secoué que cela par l’énormité de la cavalerie à laquelle s’est livré son prédécesseur, Patrick de Carolis, que ses relations consanguines avec Bygmalion ont conduit à sa mise en examen.
Alignement sur le bas, posture minimaliste, politique de l’autruche : l’inqualifiable système, qui a abouti à la signature d’une série de contrats à Bygmalion, dont certains se sont accompagnés à ce qui ressemble fort, concernant Patrick de Carolis, à des rétro-commissions, si l’on s’en tient aux révélations du Point, ne peut pas rester sans suites.
Est-il audible, admissible, sur le simple plan de l’éthique, que le PDG d’une entreprise publique puisse tolérer qu’un producteur de renom, qui plus est son prédécesseur, se soit enrichi dans le cadre d’opérations qui laissent pantois? N’est-il pas de la responsabilité de Rémy Pflimlin de s’interroger publiquement sur ce qu’il faut bien qualifier d’errements? Sauf à ce qu’il en soit caution, au nom de l’amitié qu’il lui porterait.
Est-il normal qu’un ancien cadre dirigeant de France Télévisions, Bastien Millot, ait pu créer, puis fait prospérer, sa société, grâce au tiroir-caisse de la maison à laquelle il a appartenu ? Connaissez-vous beaucoup de salariés démissionnaires, à qui l’on offre, de gré à gré, sur un coin de table, sans que le contrôleur d’Etat en ait été même informé, un chèque en blanc de cette nature ? Mais où sommes-nous ? Dans quel monde vivons-nous ? Quel est donc cet audiovisuel public, règne du copinage, des arrangements et petites combines entre amis, où producteurs et diffuseurs entretiennent des relations opaques au détriment des intérêts et de l’image d’une entreprise dont ils s’estiment les propriétaires? Où est la transparence ?
Aucunement affecté et pas le moins du monde concerné, Rémy Pflimlin a dit seulement craindre ce matin, les « amalgames ».
Mais il ne s’agit plus de cela. Bien sûr que le PDG de France Télévisions, – qui a ajouté qu’à l’heure d’aujourd’hui, il n’avait pas été, comme son ancien secrétaire général, Martin Ajdari, convoqué par le juge Van Ruymbeke-, n’est pas soupçonné au même titre que son prédécesseur. Mais l’honneur de la maison qu’il préside, voudrait qu’il en lave l’image, terriblement écornée, salie, abimée, publiquement. On s’étonne même de la passivité de son personnel et de ses représentants syndicaux. Comme si tout allait de soi. Comme si depuis l’affaire Elkabbach, – bien dérisoire, au regard de celle qui prospère aujourd’hui sous nos yeux-, ce type de péripéties étaient consubstantielles à la télévision publique. Comme si France Télévisions était une zone de non droit, le règne de la cooptation, des passe-droits et du funambulisme.
Que dire enfin de l’énorme responsabilité de l’Etat et d’Aurélie Filippetti ? Aux abonnés absents, démissionnaire, pas à la hauteur des enjeux, incapables de la moindre initiative. Et qui de leur balcon observent cette maison, en espérant que le fruit Pflimlin tombe de lui-même, sans aggraver la note. Pflimlin dont bien évidemment personne n’exige la tête, – en tous les cas pas l’auteur de ces lignes-, mais dont on attend autre chose que cette condescende affichée, alors que tout s’écroule: un sursaut. Du moins d’autorité et orgueil pour la maison qu’il préside.
Quand, dans le même temps, à l’Elysée, François Hollande, lui, s’en remet pour la suite, les bras ballants, au président du CSA, Olivier Schrameck, l’un et l’autre dressant, en tête à tête, des listes de papabile, comme dans une partie de bonneteau. Tout cela est simplement tragi-comique. Car il s’agit, ici même, plus de la crédibilité des hommes en place, Carolis hier, Pflimlin aujourd’hui, mais du sort de « notre » télévision publique.
Renaud Revel – source : L’express