Affaire Bygmalion : Patrick de Carolis continue à charger son collaborateur – Le Point.fr

Lors d’une confrontation, mardi, dans le bureau du juge Van Ruymbeke, Patrick de Carolis persiste à charger Camille Pascal, son ancien collaborateur.

Une petite affaire Bygmalion-France Télévisions dans la grande affaire Bygmalion-Copé. Néanmoins, avec rigueur et méthode, le juge Van Ruymbeke continue de tirer les fils de la pelote qui lient Patrick de Carolis, l’ancien patron de France Télévisions, et Bastien Millot, l’ancien dirigeant de la société Bygmalion et son ancien dircom chez France Télévisions. Mardi, le juge a confronté trois des principaux protagonistes : outre Carolis et Millot, Camille Pascal, l’ancien secrétaire général du groupe.

L’affaire est assez simple sur le papier : quand Bastien Millot quitte France Télévisions pour fonder Bygmalion, il continue de travailler pour Carolis, mais cette fois comme prestataire. Jusqu’ici, pas de problème. C’est une pratique courante à France Télévisions et les choses avaient été rendues publiques, à l’époque, par Bastien Millot lors d’un entretien accordé au Point.

Les choses se compliquent à partir du moment où Bygmalion a vu ses prestations morcelées en plusieurs petits contrats liés à diverses missions (relations avec les téléspectateurs, veille stratégique, etc.) sans mise en concurrence. Le morcellement même des contrats a-t-il été pensé afin d’échapper au code des marchés publics ? Le montant total des prestations s’élève à 1,2 million d’euros entre 2008 et 2013 puisque le même système a perduré lorsque Rémy Pflimlin a succédé à Patrick de Carolis. Le juge Van Ruymbeke cherche à vérifier si les faits constitutifs d’un délit de favoritisme de prise illégale d’intérêts sont avérés.

Carolis dans la dénégation

La défense de Patrick de Carolis a de quoi surprendre. Le P-DG de France Télévisions prétend, devant le juge, qu’il n’est absolument pour rien dans ce montage et que celui-ci lui a été proposé par son équipe. Qu’il n’a à aucun moment donné instruction de contourner les règles. Le signataire des contrats, Camille Pascal, se retrouve en première ligne puisqu’il a signé les contrats. Ou, plutôt, on lui a demandé de signer les contrats, précise-t-il au juge, sans se douter que France Télévisions se mettait alors en position délicate. Effectivement, il est curieux qu’à l’époque le directeur général du groupe, Damien Cuier, qui a fait élaborer les contrats, n’ait pas souhaité lui-même signer les contrats.

Damien Cuier et Bastien Millot sont tous deux d’anciens collaborateurs de Jean-François Copé au ministère du Budget. C’est sans doute ici l’un des points qui intéressent particulièrement le juge Van Ruymbeke. Le juge tient un fil et ne le lâchera pas tant qu’il n’en aura pas le coeur net. Que s’est-il réellement passé entre Carolis, Copé, ministre du Bugdet, et ses deux collaborateurs, Millot et Cuier ? On peut comprendre que Carolis, dès lors qu’il prend les commandes de France Télévisions à l’été 2005, ait besoin de se concilier la bienveillance budgétaire de Bercy où Copé officie. Comme tout patron d’une boîte publique vivant de la dotation de l’État, Carolis défend son budget et cherche à se rendre agréable. Copé, lui, a un intérêt politique à aider France Télévisions : il sait qu’il sera bien traité par les rédactions de France Télévisions. Et en effet, à l’époque, il était très régulièrement invité par Arlette Chabot dans l’émission À vous de juger.

Copé, un allié essentiel pour Carolis

Copé devient d’autant plus crucial pour Carolis lorsque Nicolas Sarkozy, entre-temps élu, annonce en janvier 2008 qu’il réfléchit à supprimer la publicité après 20 heures. La redevance devient alors un enjeu énorme pour le groupe public. Copé, qui n’est plus ministre, prend toutefois la présidence de la commission chargée de réfléchir à cette réforme. Il devient de nouveau un recours indispensable pour Carolis, qui peut compter sur le zèle de Millot et Cuier pour sensibiliser l’ancien ministre.

Carolis est donc redevable à Copé. La question devient : les contrats obtenus ensuite par Bygmalion auprès de France Télévisions sont-ils un renvoi d’ascenseur financier pour services rendus ? Quand Patrick de Carolis quitte la présidence de France Télévisions, il devient lui-même un consultant pour Bygmalion pour une période de six mois… Voilà qui le met en position fâcheuse. Mardi, le juge Van Ruymbeke a obtenu confirmation de cette information parue dans Le Point de cette semaine.

Emmanuel Berretta – source : Le Point